Maladie d’Aujeszky : vaccination possible en Moselle en 2019
Depuis quelques années des conducteurs de l’AMRS (Association mosellane de recherche au sang) et chasseurs de l’Acab (Association des chasseurs de l'arrondissement de Boulay) travaillent conjointement afin de pouvoir vacciner les chiens de chasse et de recherche au sang en Moselle, c’est chose faite depuis le mois de mars 2019.
Vous trouverez dans ces quelques lignes un rapide historique, l’épidémiologie liée à cette maladie et bien entendu la solution de vaccination proposée à tous les chiens de notre département. C’est en 1902, qu’Aladar Aujeszky, un vétérinaire hongrois isole le virus chez un chien, un bœuf et un chat et montre qu'il cause la même maladie chez le porc et le lapin. Le vétérinaire laissera son nom au virus. La maladie d'Aujeszky est appelée « pseudo-rage » par les anglophones (« pseudorabies ») en raison de symptômes évoquant parfois ceux de la rage. C’est une maladie virale due à un virus de type herpes (Suid herpesvirus 1, SuHV-1). Elle est endémique dans la plupart des régions du monde, mais n'est pas transmissible à l'homme. Les hôtes naturels du SuHV-1 sont le porc domestique et le sanglier, tous deux supportent une infection latente à vie. Cette herpèsvirose très courante dans le monde est presque toujours mortelle et sans traitement disponible à ce jour (autre que vaccinal et préventif). Elle touche accidentellement les carnivores et les ruminants, ces derniers sont des culs-de-sac épidémiologiques et ne peut être transmise à d’autres animaux.
Epidémiologie et symptômes
Le virus est présent dans le sperme, la salive et les secrétions nasales et conjonctivale des porcs ou sangliers infectes ; il serait principalement diffusé par les contacts de museau à museau, le léchage, les contacts génitaux. D’autres formes de transmission sont possibles :
- par aérosols (micro-gouttelettes riches en virions se formant lors des éternuements) ;
- par les fomites (objets contaminés) ;
La voie principale de contagion est supposée être celle des excrétas (jetage nasal et oculaire, sperme). Une fois infectés, les sangliers restent porteurs du virus toute leur vie durant et peuvent le ré-excréter à tout moment, et ainsi propager la maladie. On parle alors « d’hôte réservoir ». Chez le chien, l’incubation dure 2 à 6 jours (Dr.Thiry, 2002). Au cours de cette période, le virus se multiplie au niveau du pharynx et des amygdales. Il progresse rapidement par les nerfs crâniens vers l’encéphale, avec une localisation préférentielle au niveau du bulbe rachidien. L’atteinte du système nerveux se traduit par un ensemble de signes cliniques évocateur d’une pathologie nerveuse centrale. Les symptômes varient selon la souche de virus et de l'âge des porcs ou de l'animal touché, mais ils précèdent presque toujours la mort de 12 à 24 heures et ce sont :
- des toux avec jetage séreux à muqueux (jetage nasal), une dyspnée expiratoire (difficulté à expirer de l’air), un ptyalisme (salive abondante) ;
- un abattement, l’anorexie et fièvre (hyperthermie amenant le corps à plus de 41 °C) ;
- un prurit passager (démangeaisons), violent et caractéristique quand il advient, l'animal peut se griffer ou se mordre de manière compulsive ;
- symptômes nerveux : ataxie (trouble de la coordination des mouvements), position anormale de la tête et du cou, convulsions, opisthotonos en phase terminale (contracture des muscles) ;
- le taux de mortalité est de 100 % chez les autres animaux (chiens, chats...) ;
- le taux de mortalité est variable, il est de 100 % chez les porcelets de moins de 2 semaines à moins de 2% de mortalité dans une population adulte.
Traitement et prévention
Les recherches d’informations en Moselle sur la maladie ont commencé en mars 2016 lorsque des collègues conducteurs de chiens de rouge de l’Abucs (Association belge pour l’utilisation des chiens de sang) participaient à des campagnes de vaccination réalisées dans leur pays. J'ai interrogé par la suite l’École vétérinaire de Belgique afin de savoir si la vaccination était fiable et si elle était possible en France. La réponse était claire, ce vaccin fonctionnait sur nos compagnons à 4 pattes belges, mais le vaccin restait indisponible sur le territoire français considéré comme indemne de cette maladie au niveau de l’élevage porcin. En septembre 2018, malgré certaines interrogations sur la validité du vaccin Auskipra BK, certains conducteurs AMRS déterminés à réagir se sont lancés avec moi dans la vaccination, 41 chiens de la Moselle, Meurthe-et-Moselle et d’Allemagne se déplacent à 2 reprises vers la clinique vétérinaire de la Flèche à Bertrix en Belgique afin de profiter de la journée de vaccination. Quelques réactions secondaires sur 4 chiens ont été observées après la seconde injection : gonflements, œdèmes au point de la vaccination et un œdème avec épanchement. Les chiens n’ont pas présenté de réactions d’abattements, les gonflements ou œdèmes se sont atténués 8/10 jours après l’injection. Aucune réaction générale (hypersensibilité ou choc anaphylactique) n'a été relevée après cette vaccination chez les chiens mais elles sont cependant décrites dans les effets secondaires possibles chez le porc. Comme avec tout vaccin, il peut y avoir certains effets secondaires, ceux qui ont été observés consistent en des réactions locales (au point d'injection) uniquement (gonflement et œdème). Elles ne sont pas systématiques, mais sont plus fréquentes et de taille plus importante qu'avec un vaccin classique. Les échanges ont continué au mois de janvier 2019 avec le docteur vétérinaire Jérôme Braun de Rémilly qui, après les derniers cas avérés de la maladie d'Aujeszky en Moselle, a effectué une demande officielle d'importation à l'Anses-Agence nationale du médicament vétérinaire. Les premières doses ont été acheminées, sous autorisation, depuis l'Espagne par le laboratoire Hipra en avril 2019. Les personnes intéressées par la vaccination pourront, soit se mettre en relation directement avec le Dr Braun, clinique vétérinaire de Remilly, soit solliciter leur vétérinaire habituel afin que ce dernier puisse s’inscrire, s’il le souhaite, dans cette démarche.
S'agissant d'une vaccination sous autorisation, il est indispensable d'en obtenir l’autorisation préalable à l'Anses, et ce, pour chaque chien à vacciner. Il est donc nécessaire, avant vaccination, de transmettre certains éléments (Identification du chien : nom - date naissance - race - sexe - identification et coordonnées du propriétaire) à la clinique, qui rédigera une ordonnance individuelle et se chargera d'obtenir la demande d'utilisation à l'Anses.
Protocole de vaccination
Seuls les chiens en bon état de santé peuvent être vaccinés.
Après recueil du consentement éclairé du fait de l'absence d'AMM (autorisation de mise sur le marché) pour le chien, et examen clinique :
- 1 ml par voie sous-cutanée stricte ;
- primo-vaccination : 2 injections à 3 semaines d'intervalle (la seconde injection devant être réalisée 1 mois avant la période à risque / chasse) ;
- rappel conseillé tous les 6 mois.
Durant ces quelques mois de compilations d’informations, de sollicitations à tous les niveaux, certains de mes collègues et amis n'ont pas voulu baisser les bras adevant des tracas administratifs, ils ont continué à œuvrer pour trouver une solution fiable pour nos chiens, qu'ils soient remerciés ici pour leur dévouement. Je suis heureux en leur nom de vous transmettre cette information.
Des échanges avec la FDC57 sont également en cours afin d’étudier la possibilité technique et financière de la mise en place d’une séroprévalence sur les populations de sanglier à l’échelle du département.
Gilles Sinicco